
Les experts de l’Institut International du Froid (IIF), Alain Le-Bail, Cyril Toublanc, Michel Havet tous trois membres de la commission Sciences et ingéniérie alimentaires (C2) ainsi que le professeur Nasser Hamdami de l’institut Oniris de Nantes (France) viennent de publier une synthèse sur certains régimes non conventionnels de la chaîne du froid en dessous de 0 °C (réfrigération, superréfrigération ou superchilling, surfusion, raidissement au froid pour la découpe) (lire encadré ci-dessous).
L'impact du « Three Degrees of Change »
Les experts IIF se sont basés sur les données existantes concernant les effets de la hausse de la température d’entreposage des denrées congelées de -18 °C à -15 °C, ainsi ces conclusions ont été tirées :
« Le passage de -18 °C à -15 °C pour l’entreposage des denrées congelées devrait permettre de réduire la consommation d’énergie d’environ 10 %.
Le passage de -18 °C à -15 °C pour l’entreposage des denrées congelées devrait diminuer d’environ 30 % la durée de conservation en lien avec l’altération de la qualité, selon 18 études passées en revue par les auteurs.
Le passage de -18 °C à -15 °C pour l’entreposage des denrées congelées pourrait rendre moins acceptables les fluctuations de température lors du stockage. Cela peut impliquer la mise en place de conditionnements plus épais, utilisant des matériaux à changement de phase par exemple, ce qui se traduirait par un plus faible taux d’occupation des denrées dans l’espace d’entreposage et une augmentation du poids du conditionnement. Un meilleur contrôle de l’oscillation de la température dans cet espace d’entreposage peut par ailleurs être envisagé.
Le passage de -18 °C à -15 °C pour l’entreposage des denrées congelées peut entraîner un gaspillage alimentaire si les entreprises agroalimentaires réduisent la durée de conservation indiquée sur l’emballage et si les consommateurs jettent la denrée une fois la date limite de consommation dépassée ».
Pour autant, d’après l’IIF certaines mesures spécifiques peuvent permettre d’atténuer les risques. Ces nouvelles approches auraient déjà été évoquées dans d’anciennes publications des experts, avec notamment :
« Produits peu sensibles : augmentation de 3 °C de la température d’entreposage avec une fluctuation ascendante de la température de 3 °C.
Produits moyennement sensibles : augmentation de 3 °C de la température d’entreposage avec une fluctuation ascendante de la température de 1 °C.
Produits très sensibles : les températures d’entreposage actuelles doivent être maintenues afin de préserver la qualité et la sûreté des produits.
Le niveau de sensibilité pourrait être déterminé en fonction de la valeur de Q3 et de la durée de conservation à -18 °C, par exemple. Cette approche permettrait de réaliser des économies d’énergie tout en limitant les effets négatifs sur la qualité des produits et la sécurité alimentaire.
La plage de températures comprises entre -12 °C et -10 °C est considérée comme un seuil en dessous duquel le risque de croissance microbienne pendant l’entreposage reste négligeable. Il existe cependant des exceptions et il serait donc pertinent d’étudier l’évolution du risque de croissance microbienne lorsque la température est comprise entre -18 °C et -10 °C, notamment dans des contextes où des fluctuations thermiques sont autorisées durant le transport (une variation de + 3 °C est par exemple tolérée en Europe). Une analyse similaire pourrait être réalisée quant à la contamination en virus ».
Malgré toutes ces publications et recherches, le concept de « denrée congelée » reste vague, le principal consensus porte sur le fait d’atteindre -18 °C, même si à cette température, la plupart des aliments n’atteignent pas un niveau de congélation (proportion d’eau congelée dans le produit) de 100 % (habituellement de l’ordre de 95 %).
À propos des régimes d'entreposage sous -0°C
« La température de -18 °C est actuellement considérée comme la norme internationale pour les denrées congelées. Pourtant, le niveau de congélation de la plupart des aliments est généralement compris entre 95 et 98 %.
La réfrigération est une méthode agréée dans certains pays européens, comme la France, et est adoptée par plusieurs industries pour prolonger la durée de conservation des denrées non congelées. Ce type d’entreposage frigorifique nécessite des chambres froides spécifiques dotées d’un système de contrôle thermique renforcé. Il est utilisé principalement à un niveau industriel pour gagner quelques jours de durée de conservation.
La superréfrigération a été adoptée par l’Union européenne en 2022 pour le transport du poisson uniquement. Les autres applications de la superréfrigération sont jusqu’à présent interdites dans l’UE. Il s’agit d’une avancée significative pour l’entreposage non conventionnel des denrées congelées.
Le raidissement au froid du poisson pour la découpe mécanique est une technologie reconnue par la réglementation européenne et par le Codex Alimentarius de la FAO et de l’OMS à condition que la température soit maintenue à environ -10 °C pour une durée maximale de 96 heures. Le code d’usage CXC 52-2003 autorise une plage de températures de -12 °C à -5 °C pour des périodes plus courtes. Cependant, les réglementations en matière de sécurité alimentaire indiquent que le poisson conservé à une température située entre TIFP et -10 °C ne doit pas l’être sûr de longues périodes en raison des risques liés à la congélation partielle ».