
Les centres de formation des groupes leur permettent de répondre à nombre de leurs besoins tant par rapport à leur propres salariés, qu'aux nouvelles recrues mais aussi vis à vis de leurs clients.
C’est dans le cadre de son enquête de branche publiée en décembre 2020, que le Snefcca* dévoilait que le secteur comptait 2 500 entreprises, générant 5,69 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Mais ce secteur dynamique est plus que jamais confronté à une pénurie de personnel. Un phénomène qui existait bien avant le Covid. Le syndicat l’explique par différents facteurs : la profession de frigoriste est peu connue du grand public, voir peu visible, et elle subit une dévalorisation latente des métiers techniques en France. En outre, la branche n’a pas de centre de formation dédiée aux métiers du froid qui permettrait de se distinguer et les contraintes horaires et les astreintes peuvent être un frein pour certaines personnes, notamment les jeunes qui veulent voyager, avoir des horaires fixes et des expériences de vie différentes de leurs aînés. Enfin, toujours selon l’organisation, le métier de frigoriste est exigeant et nécessite un haut niveau de technicité, « pas à la portée de tous ». Dans le même temps, l’Éducation nationale n’arrive pas de son côté à remplir ses sections pourvoyeuses de jeunes destinés aux métiers du froid. Pire, elle ferme même des classes par manque de candidats, et parfois même de formateurs. À ce problème se sont ajoutés ceux de l’Afpa** qui, faute de moyens financiers, a aussi fermé des centres spécialisés.
Plusieurs millions débloqués
Aussi, les grands groupes prennent le sujet du recrutement et de la formation à bras-le-corps. Et du coup crééent leur propre formation. Ils sont sans doute aidés en cela par la loi « Avenir professionnel », de septembre 2018 qui a permis aux professionnels de s’attaquer eux-mêmes à la pénurie de personnel. De fait, les entreprises peuvent désormais concevoir les formations en fonction de leurs besoins de court terme et les faire dispenser par leurs salariés expérimentés sur le matériel maison à tout moment de l’année. Elles peuvent aussi concevoir des formations dispensées « hors les murs », c’est-à-dire hébergées par des Centre de formation d’apprentis (CFA) historiques. « La loi a débloqué les règles qui bridaient l’apprentissage. Les freins ont été levés », s’était félicitée début 2019 Muriel Pénicaud, alors ministre du travail. Car ce qui a rendu cette loi si attrayante pour les sociétés, c’est sa simplicité de mise en place : plus besoins d’autorisations administratives des régions, remplacées par une simple déclaration. Toute structure souhaitant délivrer des formations par apprentissage doit désormais disposer d’un numéro de déclaration d’activité de formation et mentionner dans l’objet de ses statuts cette activité. Ajoutons qu’en septembre, le gouvernement a annoncé débloquer 600 millions d’euros pour booster la formation de salariés par les PME. Avec un objectif chiffré : permettre aux PME de moins de 300 salariés de former 350 000 personnes supplémentaires. Ainsi, la formation va bon train au sein des grands groupes. Certaines entreprises y consacrent même plusieurs millions.
Des raisons multiples
Il semblerait que pour eux, bien qu’ils ne le disent pas ouvertement, le salut de la profession viendra de la profession, et seulement de la profession. La création de ces centres de formation leur permet bien sûr d’attirer des candidats que la puissance ou le prestige d’un groupe peut rassurer ou séduire. Mais c’est aussi la possibilité de former ses propres techniciens en continu et l’assurance de délivrer les connaissances dont ces grands acteurs ont exactement besoin. Et, raison jamais évoquée, l’ouverture de ces « écoles » aux personnels de leurs propres clients leur facilite la facturation d’une prestation qui, jusqu’ici, n’était jamais valorisée. Pour autant, en créant ces centres, les grands du secteur ont-ils trouvé la martingale ? Comme le confie un spécialiste de la formation dans ce domaine, ces acteurs vont aussi se heurter au problème de manque de formateurs. Et de résumer, « c’est le serpent qui se mord la queue ».
Quid des TPE ?
Face à cette concurrence, que peuvent les petites structures qui composent l’essentiel de la filière ? Elles n’ont pas attendu pour envoyer leurs salariés se perfectionner dans des stages délivrés par des organismes spécialisés et qui se sont fortement développés ces dernières années.
Enfin, l’organisation travaille à la création d’une « École nationale du froid », comme cela peut se faire en Allemagne. Beaucoup d’espoir est mis dans cette idée qui devrait se concrétiser en 2022. Il faut dire que dans le même temps, tous savent que des professions connexes, et non des moindres, sont aussi à la recherche de personnel. Et dans des proportions importantes, avec des moyens parfois conséquents. La concurrence dans ce domaine s’annonce aussi très rude… ?
* Syndicat National des Entreprises du Froid, d’Équipements de Cuisines Professionnelles et du Conditionnement de l’Air.
** Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes.
Enquête réalisée par Lilian Pouyaud et Pierre Le Mercier :
Au fil de cette enquête, la rédaction a interviewé quatre personnalités de la profession. À leur échelle, ces personnes agissent pour développer leur centre et ainsi rendre pérenne la formation. Les entretiens sont à lire.
Continuez votre lecture en créant votre compte et profitez de 5 articles gratuits
Pour lire tous les articles en illimité, abonnez-vous