Alors que la quatrième période du dispositif CEE (2018-2021) s’achèvera bientôt pour entamer une 5e période, ce dispositif qui finance l’efficacité énergétique est de plus en plus scruté et contrôlée par les pouvoirs publics.

Des dossiers plus pointus et plus efficaces

Le dispositif CEE, actuellement dans sa 4e période (janvier 2018-Décembre 2021), pèse 4 milliards d’euros/an pour l’ensemble des énergéticiens avec une obligation de 2 133 TWhc* sur 4 ans. Créé en 2006, il repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie. Ceux-ci doivent ainsi promouvoir activement l’efficacité énergétique auprès des consommateurs d’énergie : ménages, collectivités territoriales ou professionnels. Le dispositif s’appuie sur des aides privées complétées par des aides de l’état en faveur de la transition énergétique de la France (crédit d’impôt – Voir encadré -, Eco-PTZ, aides de l’ANAH ou de l’Ademe). En 2019, la loi n° 2019-1147 relative à l’énergie et au climat (LEC) a non seulement prolongé d’un an la quatrième période du dispositif des certificats d’économies d’énergie mais a aussi confirmé la mise en place de nouveaux outils pour lutter contre la fraude, en accélérant les procédures et en facilitant le cadre juridique de l’échange d’informations entre les différents services de l’État.

IND-UT-117, BAT-TH-139 et AGRI-TH-104, trois fiches qui se distinguent

Dans le domaine du froid, ce ne sont pas moins de 14 fiches CEE qui permettent de bénéficier d’aides mais les fiches concernant la récupération de chaleur sur groupe froid (IND-UT-117 et BAT-TH-139 et AGRI-TH-104) sont les plus populaires puisqu’elles génèrent à elles seules plus de 20 % des volumes de CEE**. Elles indiquent comment procéder pour déposer un dossier en vue de l’installation de ce type de système afin de chauffer ou préchauffer un fluide caloporteur, sur site, pour le chauffage du bâtiment, la production d’eau chaude sanitaire ou un besoin en procédé. La GMS, l’agriculture, l’agroalimentaire, la restauration de chaîne ou collective y ont de plus en plus souvent recours pour optimiser leurs dépenses énergétiques. Révisées l’année dernière (arrêté du 24 juillet 2020), elles se déploient depuis le 1er octobre 2020 et font désormais l’objet d’une étude préalable de dimensionnement établie, datée et signée par un professionnel ou un bureau d’études. « Nous avons introduit cette notion car il a été constaté qu’il y avait peut-être parfois une tendance à surdimensionner le matériel de récupération de chaleur ce qui permettait de financer tout ou partie du groupe froid » indique Marc Gendron, délégué général du club C2E de l’ATEE. Dans la RPF 1081 (Janvier-Février 2020), en amont de cette révision attendue, Yann Biguet, Directeur adjoint des équipes Grands Comptes chez GEO PLC, indiquait déjà : « ces changements ont pour vocation principale de mettre des garde-fous et de limiter les effets d’aubaine… ». Pour Laurent Decaestecker – Voir interview page suivante – qui dirige l’entreprise Boostherm, spécialiste de la récupération de chaleur, « ces révisions sont une bonne chose car elles valorisent les systèmes qui récupèrent le plus d’énergie. Elles sont plus exigeantes, les dossiers sont donc plus complexes mais cette révision tire la qualité et la performance vers le haut ».
Désormais les dossiers doivent donc être accompagnés de cette étude qui vise à évaluer très précisément quels sont les besoins en froid et les besoins de chaleur et à démontrer la bonne adaptation de l’installation pour produire ces besoins. L’étude doit ainsi faire apparaître des calculs et des hypothèses. En parallèle, le mode de calcul de la fiche a été modifié et ne prend plus seulement en compte la durée de fonctionnement du compresseur, mais aussi la durée d’utilisation de la chaleur récupérée.

Le Crédit d’impôt rénovation énergétique

Un nouveau crédit d’impôt temporaire pour les dépenses de rénovation énergétiques effectuées par les entreprises a été mis en place dans le cadre du plan de relance et confirmé par la loi de finances 2021.
Les entreprises éligibles sont : les PME (y compris les TPE) au sens de la réglementation européenne, c’est-à-dire dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 M€ ou le total bilan inférieur à 43 M€, et dont l’effectif salarié n’excède pas 250, soumises à l’IS ou à l’IR (ou exonérées selon l’application d’un régime de faveur), exerçant une activité artisanale, industrielle, commerciale, libérale ou agricole.

Dépenses éligibles

Le crédit d’impôt concerne certaines dépenses visant à l’amélioration de l’efficacité énergétique des locaux, dont l’entreprise est propriétaire ou locataire et qu’elle affecte à son activité, à usage tertiaire, et à condition que la construction du bâtiment, ou partie de bâtiment, soit achevée depuis plus de 2 ans.
Les dépenses éligibles sont celles engagées depuis le 1er octobre 2020 jusqu’au 31 décembre 2021 et concernent les travaux, réalisés par un professionnel certifié RGE, suivants :
Isolation de combles ou de toitures (hors combles perdus) ;
Isolation des murs ;
Isolation des toitures-terrasses ;
Chauffe-eau solaire collectif ;
Pompe à chaleur (PAC) de type air/eau, eau/eau ou sol/eau (y compris PAC hybrides, PAC à absorption et PAC à moteur gaz) ;
Ventilation mécanique simple flux
ou double flux ;
Raccordement d’un bâtiment tertiaire à un réseau de chaleur ou à un réseau de froid ;
Chaudière biomasse collective ;
Systèmes de régulation/programmation du chauffage et de la ventilation ;
Réduction des apports solaires par la toiture (pour les territoires d’Outre-mer uniquement) ;
Protections des baies contre le rayonnement solaire (pour les territoires d’Outre-mer uniquement) ;
Climatiseur performant (pour les territoires d’Outre-mer uniquement).

Montant du crédit d’impôt

Le crédit d’impôt est égal à 30 % du prix de revient hors taxes des dépenses éligibles dans la limite de 25 000 €.
Il est cumulable avec les aides perçues au titre des certificats d’économie d’énergie et des aides publiques.
Le crédit d’impôt est imputable sur l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés dû au titre de l’année civile au cours de laquelle l’entreprise a engagé les dépenses.
L’excédent de crédit d’impôt restant après imputation sur l’IR ou l’IS, est restitué.

Obligation déclarative

Le crédit d’impôt doit faire l’objet d’une déclaration spéciale qui doit être déposée en même temps que la déclaration annuelle de résultat.

Source : bpi France

Des contrôles accrus

Avec la loi de novembre 2019, l’État a renforcé les contrôles sur les travaux et/ou dispositifs d’économies d’énergie subventionnés par les aides. Les fraudes aux CEE ont largement été relayées par les médias mais apparaissent principalement dans le cadre de chantiers résidentiels de rénovation énergétique. « Dans notre domaine, c’est très rare » indique un délégataire spécialisé dans le tertiaire et l’industrie, « dans nos univers, les dossiers CEE sont souvent très techniques. Notre réputation et l’image de notre entreprise sont en jeu. Les dossiers sont toujours soigneusement vérifiés et contrôlés en amont ». Et de fait, si l’on se réfère aux publications des sanctions parues au Journal Officiel, on trouve principalement des décisions à l’encontre d’entreprises ayant œuvré pour des ménages… hélas souvent en situation de précarité. Dans ce cas, la punition consiste à annuler purement et simplement le volume de kWh cumac CEE et à infliger une sévère sanction pécuniaire.
« Les contrôles ont principalement lieu dans le secteur résidentiel, chez les particuliers car le marché de la rénovation énergétique chez les ménages est caractérisé par une asymétrie d’information entre les bénéficiaires et les vendeurs. Ce n’est pas le cas dans l’univers B2B où l’on rencontre des acheteurs chevronnés ou des directeurs techniques qui gèrent parfaitement ces dossiers » souligne Marc Gendron. Pourtant, des clients d’installateurs indépendants ont eu la surprise de recevoir une lettre du Pôle National des certificats d’économies d’énergie (PNCEE), les informant qu’un organisme de contrôle accrédité était mandaté pour vérifier l’éligibilité de l’installation qu’ils venaient de mettre en place. « Le premier courrier était plutôt bienveillant mais j’avoue avoir été surpris » indique l’un d’entre eux. « Le contrôle s’est parfaitement déroulé et après la visite des contrôleurs nous n’en avons plus jamais entendu parler. Nous avons supposé que l’installation – des systèmes de récupération de chaleur sur un groupe de production de froid – était parfaitement conforme au dossier que nous avions déposé et qu’il n’y avait pas de remarques particulières… » renchérit le second. En revanche, lorsque 15 jours plus tard un 2e courrier arrive, annonçant un nouveau contrôle sur une autre installation, clients et installateurs n’ont pas pu s’empêcher de s’interroger : « on a vite compris que ces visites ne pouvaient pas se déclencher toutes seules… ». Interrogé à ce sujet, le PNCEE n’a pas souhaité répondre à nos questions. De son côté, le Snefcca reconnaît qu’il apparaît normal d’effectuer des contrôles pour vérifier qu’il n’y a pas de surdimensionnement ou de déclarations approximatives : « le dispositif CEE est une bonne chose car il participe à la transformation énergétique de notre pays et il ne faut pas que les mauvaises pratiques le remettent en cause ».

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En attendant la 5e période…

Dès à présent, la 5e période se prépare. Elle démarrera le 1er janvier 2022. Sa durée n’est pour le moment toujours pas confirmée mais devrait être au moins de 4 ans comme la précédente. Elle devrait aussi prendre en compte certains retours en provenance du terrain. Marc Gendron confirme que des réunions ont d’ores et déjà eu lieu cet été et qu’il faudra s’attendre à une probable augmentation de l’obligation CEE « pour tenir compte des hypothèses de l’Ademe et des demandes issues de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) ». De nombreux points restent à éclaircir comme la simplification de la gestion administrative des dossiers au travers de la dématérialisation des dossiers CEE et l’ouverture à la signature électronique pour toutes les pièces des dossiers CEE. L’Administration a tout récemment déclaré que les fiches récemment révisées dont la IND-UT.117pourraient être révisées. En revanche, il souhaiterait que l’on puisse apporter plus de clarté et de qualité dans la rédaction de ces fiches, car dit-il « il faudrait tendre vers une plus grande précision et une simplification du dispositif pour qu’il soit plus efficace ». Les textes fixant la durée de la 5e période et l’obligation CEE sont actuellement en consultation..

* Les CEE s’expriment en TWh cumac, cumulé actualisé, sur la durée de vie du produit/service. Les kWh cumac sont des kWh économisés durant la durée de vie conventionnelle fixée d’un équipement
** Source : lettre d’information de la DGEC
de décembre 2020.

Le point sur la récupération de chaleur sur groupes froid

Où en est-on depuis la révision d’octobre 2020 ?

L. D : la dernière révision a modifié plusieurs points. Les trois fiches (Agriculture, Industrie et Tertiaire) sont maintenant identiques dans leur formulation et dans leur mode de calcul des kWhc. Mais il y a une exception notable puisque pour le tertiaire, le bâtiment doit toujours avoir plus de 2 ans. Par ailleurs, le mode de calcul prend maintenant en compte la durée de fonctionnement des compresseurs, la durée d’utilisation de la chaleur récupérée et leur simultanéité. L’étude préalable de dimensionnement est beaucoup plus complète et complexe à réaliser car elle vise à limiter les abus constatés dans l’utilisation de ces fiches. Il faut aussi noter que des opérations sont exclues de l’éligibilité :
Les groupes avec une température d’évaporation supérieure à 18 °C.
La récupération de chaleur pour le chauffage d’air (sans fluide caloporteur).
Les groupes de secours et les Pac.

Quels sont les impacts sur les primes par secteur ?

L. D : Les coefficients sont issus de l’ancienne fiche industrie. À durée d’utilisation de la chaleur équivalente, il y a peu d’écart avec l’ancienne fiche pour le secteur Industrie.
Dans la pratique, les primes sont souvent en forte baisse (de l’ordre de - 60 % à - 40 %) sauf pour la chaleur valorisée dans un process 24h/24, 7j/7. Elles restent cependant très attractives grâce aux puissances généralement en jeu et à la bonne valorisation des CEE.
Le secteur agricole est dans une situation similaire à l’industrie avec des forfaits qui étaient relativement proches.
Dans les bâtiments tertiaires en revanche la situation est très différente. La précédente fiche BAT-TH-139 révisée au 1er janvier 2019 avait vu une forte baisse des forfaits pour les commerces alimentaires (et des opérations réalisées). Avec la nouvelle fiche, on revient sur des primes plus attractives (de l’ordre de +50 à 100 %) qui permettent d’avoir un meilleur taux de couverture (Prime/investissement). On peut regretter que les bâtiments neufs ne puissent toujours pas bénéficier des CEE.
Pour les autres domaines comme la restauration qui bénéficient des CEE depuis la révision du 1er janvier 2019, la situation dépend de la durée d’utilisation de la chaleur récupérée. Elle est globalement à la hausse mais avec des taux de couverture qui restent modestes du fait des faibles puissances en jeu. Avec l’obligation de produire une étude de dimensionnement préalable très complète, on peut supposer que seules les chaînes de restauration pourront réellement bénéficier du dispositif du fait de la répétabilité des études. Les durées de fonctionnement étendues auront également un effet positif sur les primes. Donc au final, ce qu’il faut retenir c’est que pour l’agriculture et l’industrie, les primes sont à la baisse mais restent attractives puisqu’on revient à taux de couverture plus « normaux », dans les commerces alimentaires existants les primes sont à la hausse et on a dorénavant des taux de couverture attractifs, en restauration, il existe des opportunités réelles pour les chaînes de restauration sur le parc existant.

Comment gérez-vous les CEE chez Boostherm ?

L. D : Nos récupérateurs de chaleur à condensation permettent une excellente valorisation des CEE grâce à leur niveau de puissance récupérée très élevé. Si on y ajoute les économies générées, on atteint des temps de retour sur investissement très courts qui confirment tout l’intérêt de récupérer les rejets de chaleur des systèmes frigorifiques. Nous avons mis en place des services spécifiques pour accompagner nos clients qui souhaitent actionner le dispositif CEE. Nous avons par exemple créé un questionnaire à compléter par le frigoriste et l’utilisateur qui nous permet de recueillir toutes les informations nécessaires au calcul des kWhc, mais également à la rédaction de la convention de rachat de CEE et à la réalisation de l’étude de dimensionnement préalable.
Nous proposons aux installateurs et aux utilisateurs de prendre en charge le dossier complet depuis l’étude de dimensionnement préalable jusqu’au règlement de la prime au bénéficiaire par notre partenaire CEE. Nous valorisons également les autres fiches telles que la HP flottante lorsque le groupe en est équipé.
Pour les installateurs et utilisateurs affiliés à des obligés du dispositif CEE (Engie, EDF ou les enseignes de grande distribution par exemple) qui gèrent les dossiers en interne, nous proposons de réaliser les études de dimensionnement préalable et le calcul des kWhc.

Quelques exemples chiffrés

Puissance récupérateurUsage chaleurPuissance frigorifiquePrimeInvestissementTaux de couverture
Fast Food5 + 10 kWECS2 + 3 kW2 000 €10 000 €20 %
Commerce45 kWECS20 kW7 500 €10 000 €75 %
Entrepôt alimentaire100 kWECS65 kW10 000 €14 000 €71 %
Cuisine centrale2 x 100 kWECS50 + 75 kW20 000 €22 000 €91 %
Boulangerie (DOM*)45 kWECS24 kW12 000 €12 000 €100 %
Maraicher100 kWPROCESS55 kW10 000 €12 000 €83 %
Supermarché CO2150 kWChauffage + ECS150 kW44 000 €64 000 €69 %
Hypermarché250 kWChauffage + ECS180 kW75 000 €80 000 €94 %
Industrie agroalimentaire2 x 100 kWECS55 + 70 kW35 000 €35 000 €100 %

* Les CEE sont doublés hors métropole.

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