Cet article a pour objectif de passer en revue d’une manière pratique ce qui est aujourd’hui possible pour garantir la chaîne du froid cryogénique des vaccins Covid 19 lors de leurs transports sur des circuits longs et/ou des circuits courts.

Nous évoquerons tout d’abord les spécificités des vaccins à base de mRNA par rapport à une fabrication classique et ensuite les conditions sine qua none pour garantir leur immunogénicité dans le temps et l’intérêt d’une chaîne de froid irréprochable.

1- Spécificité du vaccin Covid à base de mARN

 

Le vaccin à base d’ARN messager est à l’image d’une empreinte qui entre dans la cellule. Cette cellule garde cet ARN pour produire ensuite une protéine en cas d’attaque. Ainsi la cellule sera désormais équipée d’une mémoire lui permettant de reconnaître une attaque du virus Covid 10 et de générer une protéine lui permettant de se protéger efficacement. En d’autres termes, en cas de rencontre ultérieure avec le coronavirus, ces cellules mémoire pourront détecter et combattre efficacement le SARS-CoV-2 avant qu’il ne développe une infection, ou limiter l’intensité de l’infection.
Mais comment l’ARN peut-il constituer un vaccin ? : On dispose pour cela de plusieurs procédés, l’un des plus efficaces étant d’encapsuler ou d’enrober l’ARN dans des vésicules lipidiques microscopiques, des liposomes ou des nanoparticules, qui peuvent fusionner avec la membrane des cellules, elle aussi lipidique, pour libérer ensuite leur contenu à l’intérieur.
Cette méthode est bien adaptée pour l’ARN car la couche lipidique le protège des enzymes qui pourraient le détruire.                                                        
Cette structure est très sensible à la température, c’est pourquoi il est indispensable de garantir une chaîne de froid à très basses températures d’une manière rigoureuse.
Nous abordons dans la suite de cet article les différents moyens à mettre en œuvre pour assurer l’efficacité du vaccin pour le patient.

 

2- Installation d’une plateforme de distribution de vaccins à des températures cryogénique (- 80 °C)

 

L’installation consiste à prévoir une installation de stockage d’azote liquide desservant des échangeurs localisés dans les chambres froides à - 80 °C. Celles-ci doivent être elles-mêmes contenues dans des chambres froides opérant à - 35 °C sous forme d’un couloir périphérique. L’objectif de cette conception est de limiter les forces exercées sur les parois.
Les parois des chambres froides sont généralement à base de panneaux sandwich isolés et préfabriqués. Elles subissent régulièrement une pression provoquée par des différences de température, du côté intérieur comme du côté extérieur.
Sur les pressions internes : elles peuvent se produire lors de l’entrée de marchandise, ou lors du dégivrage des évaporateurs/échangeurs. Toutes ces circonstances provoquent un réchauffement de l’air, créant une surpression de sorte que les portes peuvent brutalement s’ouvrir.
Sur les dépressions internes : le refroidissement de l’air au démarrage de l’installation de réfrigération, au contraire, provoque une dépression. Pour les chambres à très basses températures, il faudra dès lors agir avec circonspection et ne pas faire baisser la température trop rapidement. En effet lorsque la température baisse trop rapidement, les panneaux de plafond notamment, avec le système de suspension ou non, peuvent se relâcher et provoquer des dommages structurels importants.
Sur les pressions externes : Elles se manifestent lors de changements de la pression atmosphérique notamment. Elles engendrent également des pressions sur les parois et provoquent les mêmes conséquences que celles évoquées ci-dessus.
C’est pourquoi, il est fondamental de prévoir un nombre suffisant de soupapes d’équilibrage munies de résistances de chauffage afin d’éviter leur blocage par du givre ou de la glace et dont le nombre peut être déterminé par la relation suivante par exemple :

 

 

Nombre de soupapes         =            1.3 V
                                                    ____________

                                                        T (273 + t)

Où : V = le volume de la chambre.

T = la variation de temps en minutes nécessaire pour faire baisser la température d'un degré

t = la température chambre en degrés Celsius

En règle générale une chambre froide à - 30 °C entraîne une dépression de 30daN/m² sur les parois. C’est pourquoi les chambres froides cryogéniques nécessitent une attention particulière lors de la conception.

3- Installation d’une plateforme fonctionnant à l’air - 80 °C

Cette installation fonctionne suivant les mêmes principes décrits ci-dessus à l’exception des moyens de production de froid qui sont à base d’air, fluide naturel dont le point critique est de - 140,7 °C. L’utilisation de l’air dans une plage de température plus élevée, permet un cycle sans changement d’état (cycle supercritique).

 

Il s’agit de comprimer l’air, de le sécher ensuite avant qu’il passe sur un « expander » pour produire de l’air sec a - 80 °C qui sera ensuite distribué directement dans les chambres froides à travers des « nozzles » l’avantage de cette solution réside dans l’utilisation d’un fluide neutre pour l’environnement et pour la sécurité des personnes.
Cette technologie est déjà utilisée pour produire de l’azote liquide ou du CO2. Elle a l’inconvénient d’avoir un rendement faible de l’ordre de 25 à 30 % maximum.

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Cette technologie est déjà utilisée pour la lyophilisation des produits pharmaceutiques. Nous reproduisons ci-dessous une machine commercialisée par la société italienne IMA.

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1. L'air est repris de l'intérieur de l'enceinte à pression atmosphé­rique et dirigé vers l'échangeur de récupération de chaleur.

2. L'air après passage sur l'échangeur se réchauffe pour atteindre une température de 35°C.

3. Cet air (35°C) est ensuite comprimé dans le turbocompresseur pour atteindre une température de 90°C et une pression de 1,8 atmosphère.Ensuite la chaleur est dissipée dans le refroidisseur primaire afin que l'air comprimé soit refroidi à une température de 40°C.

4. Cet air (à 40°C) est dirigé vers l'échangeur de récupération de chaleur et est ainsi refroidi jusqu'à -75°C

5. Cet air (à -75°C et de 1.8 atmosphère) est détendu de façon adiabatique dans le "Turbodétendeur". La température tombe alors à -100°C à pression atmosphérique. La détente est réalisée dans un "turbodétendeur". Cela permet d'utiliser l'énergie de détente pour aider à l'entrainement du compresseur. La puissance nécessaire au fonctionnement du compresseur est alors considérablement réduite améliorant ainsi l'efficacité du système.

4 - les installations fixes de détails chez les pharmaciens, les médecins

 

Ces installations consistent à équiper les praticiens ou les pharmaciens par des congélateurs basses températures dont la capacité est limitée à 200 litres voire 500 litres. Les congélateurs sont équipés d’une installation compound avec deux étages logés en partie basses généralement. En revanche leur installation requiert une attention particulière en ce qui concerne les dégagements calorifiques dans les locaux qui pourraient altérer les conditions de confort ou les températures ambiantes. C’est pourquoi il faudrait envisager une climatisation supplémentaire ou une extraction dédiée pour combattre les rejets d’air chaud aux droits des congélateurs basses températures.
Après la promulgation de la directive F-Gaz, les fabricants se sont tournés vers des fluides naturels tels que le R 290, R 170 ou encore le R 1270.   Pour les très basses températures, le cycle thermodynamique    fonctionne généralement en cascade avec le couple R 290/R 170 ayant respectivement un GWP 3 et 6.
Tous ces équipements nécessitent un « monitoring » de la température de super congélateurs   et un secours électrique en cas de perte de l’alimentation du courant.

 

5 - la distribution des vaccins à très basses températures dans un rayon de 200 km ou 300 km dans des « super thermos »

 

Cette technologie consiste à transporter les vaccins dans des « super thermos » isolés avec plusieurs couches dont le vide à l’image des enceintes cryogéniques pour stocker de l’azote liquide. Cette technologie innovante a été mise en place en Afrique lors de la pandémie « Ebola ».  En effet le vaccin Ebola nécessite une chaîne logistique à -80 °C.
Durant les années 2014-2015, l’Afrique de l’ouest a été frappée par la pandémie du virus Ebola, ce qui a stimulé les centres de recherches et les organisations mondiales à se mobiliser pour développer un vaccin mais également les moyens de son stockage à très basses températures, sensiblement identiques à celles qu’exige le stockage du vaccin Covid 19 à base de mRNA. Une plateforme centralisée a été créée à partir de laquelle la distribution a été organisée :
Plateforme centralisée.
Distribution inter-villes.
Distribution rurale.
À partir des villes   une distribution rurale a été organisée   pour transporter des vaccins en petites quantités   dans des« super thermos », nous reproduisons un extrait de cet article :
Le conteneur Arktek est un conteneur à double paroi isolée auxquelles une couche sous vide est mise en place aux fins de réduire le coefficient de transfert thermique et limiter drastiquement par voie de conséquence les apports de chaleur vers le cœur du conteneur Arktek DF. En effet le premier dispositif Arktek a été conçu pour une exploitation à un régime de température 2/8 °C. Ce dispositif a été modifié et dénommé « Arktek DF » pour une exploitation à - 80 °C (comme pour les congélateurs ultra-froids, afin de laisser une certaine marge de manœuvre pour maintenir la température de stockage des vaccins Ebola requise à une température inférieur - 60 °C) pour les essais de vaccin Ebola, avec une charge utile potentielle d’environ 200 flacons de vaccin. Les matériaux à changements de phase sont à base d’une combinaison d’alcools dénaturés exclusifs à changement de phase à - 80 °C.
Les plaques eutectiques à changement de phase, une fois remplies ont été préconditionnées dans les congélateurs ultra-froids à - 85,5 °C pour atteindre le seuil de cristallisation solide. Ensuite les plaques sont introduites dans le conteneur Arktek DF aux fins de garantir le maintien de la chaîne du froid du vaccin Ebola. Ces tests ont montré que des températures inférieures - 60 °C pouvaient être maintenues pendant 6 jours dans les conditions tropicales en Sierra Leone.

 

6 - Conclusion

 

Les technologies innovantes sont bien existantes et il convient aux acteurs de se mobiliser et de préparer les infrastructures par anticipation, à l’image de l’Allemagne,  et de stimuler l’innovation par une concentration du savoir et de la science.La fertilisation croisée  entre industries telles que celles de l’agro-alimentaires, du stockage cryogénique des gaz ou encore la cryothérapie peut être un levier pour la création d’un « Think Tank ».
Il semble que les initiatives françaises sont souvent fragmentées et non coordonnées   alors qu’au contraire nous possédons les meilleurs talents pour définir une stratégie et proposer des solutions économiques et innovantes dans le cadre d’un partenariat public privé.

 

 


 

 

Repère - Les solutions Sofrigam

Sofrigam conçoit et développe des solutions de gestion de la chaîne du froid à destination des industriels pharmaceutiques, biotechnologiques et chimiques. La société Sofrigam est ainsi spécialiste dans la fourniture de conteneurs spécifiques ayant des coefficients globaux de transferts thermiques très faibles allant de 0,023 à 0,005 W/m2.K. Ces emballages « Initial » en polyuréthane et « Elite » avec panneaux isolation sous vide (VIP) à base de silice sont utilisés actuellement pour le transport des vaccins Moderna ou Pfizer en France. Ainis, le modèle Elite réutilisable peut assurer jusqu’à 168 heures de maintien de la température. Il peut contenir entre 100 et 150 boîtes de vaccins sous + 2/+ 8 °C, - 20 °C, - 80 °C.

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