
La baisse, très importante depuis 10 ans, du coût des panneaux photovoltaïques a rendu économiquement viable l’autoconsommation pour des process industriels.
Solaire et réfrigération : 30 ans de recherche internationale
L’Agence Nationale de l’Energie (IEA en anglais pour International Energy Agency) est une agence mondiale autonome, créée en 1974, juste après le premier choc pétrolier, pour garantir l’approvisionnement en énergie des pays consommateurs. Dirigée aujourd’hui par Fathi Birol, l’IEA est hébergée au sein de l’OCDE et a considérablement élargi son champ d’action.
Les Tasks du SHC
En 1977, l’IEA a notamment créé le SHC ou Solar Heating & Cooling programme, un programme de recherche sur l’emploi du solaire sous toutes ses formes pour le froid et la climatisation. Le SHC est organisé sous forme de Tâches ou Tasks. Ces Tasks sont des sous-programmes de recherche appliquée, financés principalement par l’IEA et chacun piloté par une personnalité reconnue dans le domaine considéré.
Une bonne dizaine de ces Tasks*portent directement sur l’emploi du solaire en climatisation et en froid, depuis la Task 1 qui, de janvier 1977 à juin 1983, a examiné les performances des systèmes de chauffage et de froid solaires, jusqu’à la Task 65 qui, de juillet 2020 à juin 2024, a entrepris une investigation du rafraîchissement et du froid solaires dans les « Sunbelt Regions » qui vont des États-Unis à la Chine, en passant par l’Italie, l’Afrique du Nord et le Proche-Orient. Les Allemands et les Autrichiens ont un peu tendance à truster le pilotage des Tasks, notons tout de même que la Task 53 « New Generation Solar Cooling & Heating Systems (PV or solar thermally driven systems), terminée en juin 2018, était dirigée par Daniel Mugnier de Tecsol.
D’abord le solaire thermique
Les premières Tasks se focalisaient sur les applications de la chaleur solaire à la climatisation et à la réfrigération, en associant notamment des capteurs solaires thermiques haute température (>100 °C) à des groupes de production d’eau glacée et à des stockages de glace et de chaleur pour passer les nuits et les jours peu ensoleillés. La plupart des projets étudiés ou soutenus dans ce cadre portent sur des installations qui valorisent la chaleur solaire à la fois pour la production de chaleur pour le process ou la production d’ECS et pour la production de froid. Ce qui maximise la durée d’utilisation des équipements solaires thermiques et facilite leur amortissement. Certains capteurs solaires thermiques spécifiques, comme le T160 à concentration du suédois Absolicon**, peuvent monter un fluide jusqu’à 160 °C sous 8 bars de pression. Les capteurs T160 sont certifiés Solar Keymark, avec un rendement optique de 76,4 %.
160 °C, cela suffit très largement pour amorcer et entretenir une réaction d’absorption dans la plupart des chillers à absorption utilisés en industrie ou en réseau de froid urbain. Une bonne trentaine d’industriels mondiaux proposent des chillers à absorption de quelques dizaines de kW à plusieurs MW, capables de produire de l’eau de 15 à 17 °C et, pour certains d’entre eux, d’assurer des températures négatives pour la congélation. On trouve parmi eux Araner, Johnson Controls-Hitachi, Thermax, York. L’Amérique du Nord constitue le premier marché mondial pour les chillers à absorption. Certaines marques européennes, comme Glen Dimplex Thermal Solutions, commercialisent des chillers à absorption uniquement sur le marché nord-américain.
Puis le solaire photovoltaïque
Depuis une dizaine d’années, la baisse du coût des capteurs solaires photovoltaïque est telle que l’association de solaire photovoltaïque en autoconsommation à des chillers classiques à compression est devenue économiquement viable. Comme la baisse du coût du photovoltaïque se poursuit, à un rythme ralenti, la rentabilité de cette association devrait continuer de croître. En effet, l’IRENA (International Renewable Energy Agency ou Agence internationale des Energies Renouvelables) indiquait en juin 2021 que le coût de l’électricité photovoltaïque à l’échelle industrielle a baissé de 85 % en 10 ans, contre 68 % pour le solaire thermique à concentration. Bien sûr, sous l’influence du Covid, le prix des panneaux solaires photovoltaïque a augmenté de 16 % environ d’octobre 2020 à octobre 2021, mais on peut espérer que la tendance à la baisse réapparaîtra une fois les effets de la pandémie passées.
Pour maximiser l’autoconsommation de l’électricité photovoltaïque produite sur site, les industriels associent deux technologies : le très bien connu stockage de glace et l’électronique de puissance. Le champ photovoltaïque, en toiture, sur des ombrières sur le parking, … est dimensionné de manière à couvrir 24 heures, 36 heures ou 48 heures de besoins d’énergie d’une usine. Une partie de la production est consommée directement par les chillers et les autres équipements de l’usine. Le surplus charge un stockage de glace dimensionné pour passer les périodes de non-production d’électricité photovoltaïque. L’orientation des flux d’électricité PV est pris en charge par de l’électronique de puissance, asservie à la supervision de l’usine, elle-même nourrie par des prévisions météorologiques à court terme en provenance de la station météorologique la plus proche. Toutes les grandes marques mondiales d’équipement électrique – ABB, Eaton, Schneider-Electric, … - proposent les dispositifs d’électronique de puissance nécessaires. La plupart d’entre eux offrent même des services complets de pilotage de ce type d’installation.
*https://www.iea-shc.org/tasks/completed
**https://www.absolicon.com/
Et après...
La prochaine étape se profile : ce sera le stockage d’électricité en batteries, dont le coût a commencé à baisser, comme celui des panneaux photovoltaïques. L’idée d’une totale autonomie d’une usine est encore lointaine, mais produire 60 à 70% des besoins annuels en électricité, y compris pour la production de froid, d’une brasserie ou d’une usine de produits laitiers, par exemple, pourrait devenir possible d’ici deux à trois ans.
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